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Comment le coaching systémique d’équipe contribue à la réussite scolaire de lycéens
Lycée Professionnel Jean Mermoz de Béziers, Académie de Montpellier

19 Mai 2019
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Tout d’abord, l’enjeu de cet article n’est pas de montrer mes muscles, il a simplement pour enjeu de montrer qu’en faisant autrement, qu’un système en pensant et faisant autrement obtient de biens meilleurs résultats. C’est bien connu, Einstein disait : La folie c’est de vouloir obtenir des résultats différents tout en faisant pareil.

Il a aussi pour enjeu de montrer au système éducatif, qu’il en faut peu pour gagner beaucoup, comme dit la chanson : il en faut peu pour être heureux.

Comme dans cet article, je fais parfois référence au monde de l’entreprise, par analogie, cet article peut aussi vous permettre de comprendre ce que je fais quand j’interviens en entreprise.

De plus, si à travers cet article, des brèches s’ouvrent pour donner envie d’agir et de faire appel à la communauté de coachs systémiques alors j’aurai atteint mon objectif.

I- LE CONTEXTE

En 2014, Frédérique Carrier, enseignante en Eco-gestion au Lycée Professionnel Mermoz de Béziers  m’appelle pour m’expliquer son projet.

Je perçois une dame très tendue, car tout simplement elle ose, et son projet lui tient à cœur.

Elle enseigne dans un Lycée professionnel à Béziers dans la section Pro-Vente. Elle m’explique que les élèves ont un avenir très incertain, que contrairement aux statistiques nationales, les taux de réussites au bac professionnel sont plus faibles que ceux du bac général, qu’il existe un taux de déperdition de la première à la terminale et que peu continuent après le bac et malheureusement la plupart finissent sur le banc du chômage avec un avenir professionnel pas très réjouissant.

Elle me dit qu’elle se bat tous les jours pour leur donner envie. Elle m’explique que ce sont des élèves intelligents qui ont d’énormes capacités et qu’ils n’ont pas eu la chance à un moment de leur vie d’avoir eu cette écoute, reçu un cadre pour justement croire en leur avenir. Je perçois qu’elle aime vraiment ses élèves et qu’elle veut tout faire pour les sortir du cercle vicieux dans lequel ils sont. En même temps, elle me précise qu’ils sont durs, difficiles, indisciplinés, enfants non responsables d’eux-mêmes ni des autres d’ailleurs.

Frédérique m’explique qu’elle a la chance d’avoir une proviseure Madame Ruiz qui est prête à faire différemment et lui a donné beaucoup de liberté d’actions et comme c’est bien connu dans notre système éducatif, il n’y a aucun moyen financier pour ce genre de projet qui sort du cadre.

Alors avec ses élèves ils ont eu l’idée de faire autrement et faire un projet pilote sur plusieurs années afin de voir s’ils peuvent obtenir de meilleurs résultats. Pour eux résultats veut dire résultats scolaires et aussi épanouissement de l’élève dans sa globalité. Une équipe pédagogique se crée autour de ce projet, et du proviseur, ils ont pris à cœur cette idée de faire autrement. Les enseignants ont des classes de seconde, et ensuite selon l’année soit une classe de première, soit une classe de terminale. En fait, une année ils ont des classes de seconde et la classe de première vente pro et l’année suivante ils auront des classes de seconde et cette même classe de première mais en classe de terminale. Ceci m’intéresse car nous pourrons mesurer les résultats. Nous pourrons facilement comparer les nouveaux résultats avec le passé et aussi avec les résultats du national.

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Que font-ils de différents ?

A la Noël, les élèves du bac Pro Vente vendent des chocolats. Ces chocolats peuvent être vendus, au sein du lycée, dans leur famille, voisins, amis, dans la rue, dans des stands. Je trouve l’idée géniale car elle fait sens avec leur futur métier.

Les bénéfices de ces ventes seront utilisés pour réaliser en Mai deux journées exceptionnelles :

  • La première journée : rencontre avec des professionnels de l’entreprise, des anciens élèves qui viendront leur expliquer le monde de l’entreprise, les préparer aux éventuels entretiens d’embauche pour un premier emploi, pour un stage, pour les motiver à voir l’intérêt d’obtenir le bac, de continuer leurs études. A midi les élèves et les deux enseignantes iront déjeuner au restaurant ce qui les sortira du quotidien de la cantine. Ils font aussi intervenir des personnes de leurs connaissances : comme un prof de yoga, de théâtre, sophrologie.
  • La deuxième journée : continuité de préparation à l’oral puis l’après-midi sortie ludique genre accrobranche, paintball, sport extrême, boxe, karting, camping.

Et, s’ils ont récolté beaucoup d’argent, les bénéfices restants seront reversés à l’association BAOBAB pour les enfants de 2 écoles du Bénin. C’est ainsi qu’en 2017, deux enseignantes, Mme CARRIER et Mme ROBIN, sont allées apporter directement au Bénin une bibliothèque fabriquée par le Bac Pro Menuiserie et dont le bois et autres matières premières ont été achetées avec les bénéfices, plus des stylos, des cahiers. Les élèves voient le fruit de leurs actions.

Lors de ce premier entretien de 2014, Frédérique Carrier me dit : « voilà, je ne sais pas ce qu’est le coaching et encore moins le coaching systémique, j’ai envie de faire différemment, j’ai vu que vous étiez né à Bédarieux c’est à dire proche de Béziers. En lisant votre site internet, j’ai vu que vous avez une approche disruptive, alors, je tente, je n’ai aucun moyen pour vous payer si ce n’est celui de vous offrir le repas du midi mais j’aimerai que vous interveniez la première demi-journée pour ouvrir ces deux jours afin qu’ils voient de suite que c’est différent ».

Ma réponse a été : Imaginons que j’intervienne quels résultats obtenez-vous ? Qu’obtiennent les élèves ? Comment le mesurerez-vous en tant qu’enseignante?

Sa réponse a été très simple : avoir des élèves plus responsables, responsables de leur vie, qui se prennent en charge, c’est à dire autonomes. Je le verrai à la relation qui aura changé avec les enseignants, ils poseront plus de questions en cours, travailleront, étudieront, l’ambiance sera améliorée, les tensions et donc les conflits seront moins forts, je ressentirai plus de cohésion entre eux, de l’entraide. A l’arrivée plus d’élèves passeront en terminale, moins finiront leur scolarité à 16 ans, un meilleur taux de réussite au bac et plus d’élèves continueront vers un BTS ou autres.

Ma deuxième réponse a été : Je viens à condition que si des enseignants veulent être présents durant mon intervention qu’ils soient OK d’être au même niveau que les élèves car dans ma façon de fonctionner on est tous en parité. Il n’y a pas des élèves et des enseignants, il y a des personnes humaines avec leurs différences, leurs qualités, leurs défauts. Nous ne sommes pas là pour juger, seulement pour leur permettre d’aller là où ils veulent et ils prendront leurs décisions. Nous devons être simplement contents qu’ils aient pris des décisions et pas contents du contenu (en fait ici je veux montrer que personne n’est là pour pousser les élèves vers un quelconque contenu que l’équipe pédagogique ou moi auront décidé à l’avance). Mon rôle consistera à les rendre autonomes, je ferai pareil que ce que je fais en entreprise. Je leur fais confiance, ils sauront faire mieux que ce que nous pouvons imaginer. Je vous demanderai aussi  de m’aiguiller si je sors d’un quelconque cadre légal de la scolarité ou de l’éducation qui m’échappe. Si vous êtes d’accord sur cela : alors ma dernière question est : quand commence-t-on ?

Quels en sont les résultats ?

L’aventure dure depuis 5 ans, nous avons donc un retour de statistiques sur 3 promos. Avant d’expliquer mes trois heures d’intervention, je veux vous livrer ce que cette équipe pédagogique obtient comme résultat, je ne suis qu’un permetteur dans l’histoire, peut-être un catalyseur, un dynamiseur :

Dans le passé, avant la mise en place de ce projet, les résultats du Bac Pro Vente dans ce Lycée de Béziers étaient les suivants :

  • 70% des élèves passent de la première à la terminale
  • Sur ces 70%, la réussite au bac pro vente est de 73,33% alors que la moyenne nationale est de 80-85%.
  • Sur ces 70% seuls 30% continuent après le bac.

Depuis la mise en place de ce projet par cette équipe pédagogique, la moyenne des résultats sur 5 ans est :

  • 90% des élèves passent de la première à la terminale soit 20% d’élève en plus qui réussissent leur année de première.
  • Sur ces 90%, la réussite au bac pro vente est de 93,33% soit 20% de plus avec 20% d’élève en terminale de plus par rapport au passé. La moyenne nationale est de 80-85%.
  • Sur ces 93,33%,  60% continuent après le bac.
  • Les anciens élèves des promos sont Fiers de venir participer aux deux journées pour expliquer aux élèves et passer du temps avec eux.

Les résultats parlent d’eux-mêmes.

Messieurs, Dames de l’éducation, c’est peu et ça rapporte beaucoup.

A titre personnel, j’ai eu trois résultats inattendus :

  • Je m’étais imaginé que tout cela dépendait surtout de l’équipe pédagogique et du proviseur. Or, le proviseur a changé et l’équipe pédagogique a pu continuer ce projet. La continuité s’installe. De plus, il semblerait qu’il se développe un effet de mimétisme pour d’autres sections.
  • L’académie de Montpellier m’a appelé pour voir comment je pouvais réaliser une intervention de type coaching systémique d’organisation pour une soixantaine d’enseignants. Nous sommes en phase de programmation de dates pour les mois à venir, je vous tiendrai informé par un article ou en continuant celui-ci si cette action se réalise.
  • Les élèves veulent que je sois présent à leur remise de diplôme du Bac. C’est le plus beau cadeau qu’ils aient pu me faire. Je me suis même surpris le soir de la remise du diplôme à aller au Pub avec eux.

II- LE COACHING SYSTEMIQUE D’EQUIPE

Il me paraît important de préciser que le Lycée Professionnel Mermoz de Béziers est représentatif d’un lycée professionnel classique français. Ce n’est pas un lycée issu des quartiers difficiles français ou des quartiers riches, il n’est donc pas comme le seraient ces deux systèmes des lycées que j’appelle « ghettoïsés » par le système. C’est un simple Lycée proche du centre de Béziers, dont les élèves sont issus de Béziers et de ses villages environnants.

L’enjeu étant de permettre aux élèves de devenir responsables donc par effet systémique j’agis en les responsabilisant.

J’agis donc comme en entreprise au format thème open : ce sont les élèves qui choisissent les thèmes qu’ils veulent aborder, les décisions seront les leurs. Si les enseignants interviennent ce sera en leur nom comme personnes et non comme enseignants. Ils ne sont pas là pour donner des leçons mais pour avancer vers leur autonomie comme les élèves. Ça veut dire qu’ils répondront aux mêmes questions que les élèves se poseront. Le contenu de leurs réponses sera en tant que personnes et non en tant qu’enseignants, ils ne sont pas là non plus pour obliger les élèves à aller vers une direction qui n’est pas celle des élèves.  

La classe est sans table, on est tous en cercle, comme je fais en entreprise. Le cercle crée à la fois la parité et la circularité. Je pose d’entrée les bases de la confidentialité, c’est d’ailleurs pour cela que tout ne sera pas dit ni écrit dans cet article et que cet article a été validé par les élèves puis les enseignants. Comme en entreprise souvent les enseignants ou le dirigeant au début de la mission s’assoient à côté de moi, c’est quelque chose que je casserai rapidement.
 
Je commence comme en entreprise par une inclusion où je pose 4 questions. D’ailleurs, selon l’objectif de l’entreprise et le contexte, il m’est arrivé de poser ces 4 mêmes questions en entreprise :

1.    Tu te présentes en disant ce que tu veux de Toi et si tu es OK, tu nous dis ce dont tu es le plus Fier de Toi depuis que tu es né.
2.    Sur les 12 derniers mois passés quelle a été ta meilleure réussite ?
3.    Qu’aimerais-tu répondre à cette même question dans un an ?
4.    Tu aimerais sortir de cette matinée avec quoi ?

Chacun se présente, comme en entreprise mon rôle est de créer une circularité, en allant chercher du regard et avec humour les uns et les autres. J’évite le schéma ou l’un parle et son copain d’à côté continue, nous ne sommes pas à l’école. Chacun s’exprime en émergence.

Bien sûr, il y a une grande timidité, je joue des regards, je vais chercher ceux qui parlent entre eux, celui qui pousse un copain ou une copine, je me marre de les voir faire et je le leur dis. Je les tutoie et leur demande de faire pareil et si l’un m’appelle Monsieur je lui demande de m’appeler Claude. Ils le font assez bien.

Comme en entreprise, je fais préciser quand les réponses ne sont pas claires et très vite si le cas se présente entre ce qu’il fait, dit ou font et disent, je peux faire une analogie (lecture systémique).

Par exemple : un élève me dit qu’il aimerait avoir des pistes pour plus avoir confiance en lui car il se sent trop timide et juste avant il vient d’avouer au groupe que sa plus grande Fierté est de faire depuis quelques mois un chemin spirituel et que l’ensemble du groupe (élèves et enseignants) sont surpris de ce qu’il vient d’avouer, je peux lui répondre : comme parler en public de quelques chose de personnel.

Par exemple : un élève explique qu’il est fier de ses résultats sportifs au rugby et qu’il aimerait sortir de la matinée avec les clefs de la motivation pour avoir envie d’étudier. Je lui réponds, ce sont lesquelles que tu as pour le rugby ? Et après sa réponse je lui dis : je n’ai pas besoin de la réponse car sinon on n’aura pas le temps d’avancer mais vois-tu un lien entre tes réponses sur le rugby et ta motivation pour bûcher le soir, si tu vois quelque chose à toi de voir si ça peut être une bonne clef.

Je suis aussi confronté, comme parfois en entreprise, au rebelle qui ne veut pas parler et qui me réponds « je n’ai pas envie de te répondre ». Ce en quoi je réponds du tac au tac : eh bien barre Toi !!!. Ne perd pas ton temps avec moi. Moi je passe mon temps avec ceux qui le veulent et le méritent. Je demande à l’enseignant si juridiquement il a le droit de sortir (ils ne sont pas tous majeurs) et l’enseignant lui répond « tu es libre ici, tu n’auras aucune sanction si tu pars ». Il hésite, on échange quelques regards complices et me dit « je reste » et il commence à répondre.

De temps en temps je vais chercher les enseignants du regard pour qu’ils se présentent en répondant à ces mêmes questions, ils jouent facilement le jeu. Je me présente en dernier en répondant à ces questions et en demandant s’ils ont envie de savoir quelque chose de plus de moi. Je suis toujours surpris car j’ai droit à des questions sur mes enfants, sur mon livre ou sur les entreprises que j’accompagne.

Il s’est passé à peu près 45 minutes – 1h et je pose les bases de la suite. J’ai noté sur mon cahier leur prénom (j’essaie de m’en souvenir pour le reste de la matinée), et leurs attentes de la journée qui sont très souvent, comme en entreprise centrées vers moi. Ils attendent beaucoup de moi : que je leur donne les clefs de ceci de cela. Je leur souligne ce paradoxe, car ils veulent de l’autonomie et attendent de moi, je leur dis que de moi ils n’auront rien car ils ont tout en eux et mon rôle sera de leur permettre de l’émettre et de transformer en plan d’action leur préoccupation personnelle pour eux-mêmes soit à titre collectif, soit personnel.

Comme en entreprise, j’explique très rapidement les 4 rôles qui permettent la responsabilisation :
  • Le faciliteur qui va s’occuper de l’énergie du groupe, comme nous sommes une vingtaine, il sera debout et mettra ou dirigera l’énergie
  • Le cadenceur pour ne pas se perdre et finir à midi pile car le restaurant nous attend à 12h30.
  • Le pousse décision qui nous aidera à pousser les décisions afin de les transformer en véritables actions
  • Le co-coach qui donnera à chacun y compris à lui-même, les enseignants, moi et ses potes des options d’améliorations.

Je demande qui veut jouer les rôles. Contrairement à l’entreprise, j’ai très vite des volontaires pour les 4 rôles. A chaque année, les enseignants sont surpris de les voir si volontaires et sont surpris de qui prend tel rôle, notamment celui du co-coach.

Je rassure en disant que je peux intervenir pour aider le rôle. En même temps, l’enjeu n’est pas d’améliorer la qualité de la réunion d’un comité de direction où je pourrai avoir une posture un peu différente autour de ces rôles.

Le faciliteur prend son rôle, je profite qu’il se lève pour prendre sa place et me mettre au milieu des élèves et non plus à côté des enseignants (du patron). Je ressens d’ailleurs très souvent la même chose : par cet effet, la barrière est cassée, tant mieux chacun va se libérer.

Chaque année, le faciliteur joue à la perfection son rôle, j’interviens uniquement pour aller chercher le timide. En effet, le faciliteur a plus de facilité à arrêter les trop bavards qu’à demander aux timides de s’exprimer. Je l’utilise parfois comme analogie.

Le premier exercice consiste à écrire leurs préoccupations principales du moment et de les hiérarchiser. Je passe un accord avec eux pour le temps dont ils ont besoin lors de ce premier exercice et ensuite nous verrons comment transformer l’ensemble des préoccupations ou quelques-unes en plan d’actions pour eux-mêmes.

Remarques : les élèves comprenant que c’est leur espace, ils avancent vite, en 20 minutes ils sont capables de poser leurs préoccupations, de trouver une règle pour hiérarchiser et de hiérarchiser. Je constate que si au début le cadenceur se cantonne à me donner le temps, peu à peu il le donnera à haute voix au reste du groupe. Le pousse-décision commence à jouer son rôle pour aller vite. Ils ont vite compris que l’enjeu était ailleurs.

Je regarde leur façon de prendre des décisions, qui parle avant qui, qui empêche l’autre de parler, qui dit quoi et comment, qui est écouté sans réfléchir, qui fait réfléchir le groupe, qui veut me montrer ses muscles… tout un ensemble de points que je peux utiliser immédiatement si cela peut avoir lien avec leur autonomie, leur responsabilité et/ou plus tard pour leur permettre de prendre des décisions autrement, de penser autrement et de performer réellement. Pour moi c’est souple et facile car quel que soit le système entreprise, associatif, ONG, élèves, le processus est le même. C’est bien connu en systémique : le processus est le contenu du coach, c’est d’ailleurs pour cela qu’un coach systémique est à l’aise avec n’importe quel système car il se centre sur le processus. Quand je fais des analogies, qui je sais, peuvent être confrontantes, je manie avec l’humour et la complicité. L’approche systémique permet d’accepter très facilement la confrontation et de la transformer en action car elle s’appuie sur un fait immédiat. Je ne fais aucune différence entre élèves et enseignants, le fait d’être dans l’équanimité est catalyseur.


Pour les élèves de première de 2018, leurs préoccupations principales et leur hiérarchisation sont les suivantes :


Tout le monde s’est exprimé, y compris les enseignants. Je constate quelque chose d’inédit pour moi par rapport à l’entreprise : c’est qu’ici on me demande quelle est ma préoccupation principale. En entreprise, on ne me pose pas cette question car ça correspond à leur entreprise mais finalement pourquoi pas. En tout cas je réponds la vérité. Si un des points est déjà existant, je vais le  dire et si il n’y est pas et qu’il n’a rien à voir avec leur sujet, je le dis et je dis qu’il n’est pas obligé de l’écrire ou de l’écrire sur une autre feuille.

Comme en entreprise, le jugement n’a pas lieu d’être. Je ne juge jamais les points qu’ils notent, ni ceux qu’ils hiérarchisent. Si les profs le font ou poussent dans un sens, je me permets d’intervenir pour réexpliquer qu’ils ne sont pas profs, ils sont comme tout le monde, ils votent et disent comme tout le monde et chacun à la même valeur.

J’ai d’ailleurs le souvenir d’un enseignant qui était venu pour voir et il s’est mis à corriger un élève sur les fautes d’orthographes qui apparaissaient au tableau. J’ai fortement confronté cet enseignant en lui disant : qu’il était d’accord pour que l’on soit en parité, sans jugement et que réprimander un élève parce qu’il a fait une faute d’orthographe n’est pas le lieu. Je lui ai même dit que si l’élève ne sait pas, c’est peut-être à l’enseignant à se remettre en cause et que ce n’est pas ici en 3h que l’élève deviendra un maitre en orthographe. J’ai rappelé que l’enjeu était leur autonomie et qu’il paraît difficile de demander à des gens d’être autonomes et toutes les 5 minutes de corriger et dire ce qu’il faut faire. En même temps, j’ai aussi confronté le reste du système et demander à l’élève de ne pas hésiter à demander quand il ne sait pas et aux autres de l’aider au lieu de se moquer. Ce genre de confrontation est très profitable car chacun voit que l’on est centré sur lui et pas sur du jugement. En plus, sur les fautes d’orthographes, ça m’arrange car j’en fais énormément. On ne peut pas s’imaginer le nombre de gens que l’on freine car ils font des fautes à l’écrit alors que leurs idées sont excellentes.

Je peux supposer que lire cette confrontation avec l’enseignant peut être choquant. Ceci a permis de créer une alliance avec tout le monde. Ce fut très puissant autant pour l’enseignant qui a vu ses élèves autrement et a su aller à l’essentiel ici et le reste de l’année et paradoxalement aux élèves car ils ont prêté attention à leur orthographe et se sont aidés entre eux.

Personnellement, je ne participe pas aux votes, car je me sens éloigné de ce qu’ils font et que c’est pour cela que je resterai centré sur leur façon de faire plutôt que sur ce qu’ils disent. En tant que coach, il serait facile pour moi de tomber dans le piège de vouloir tirer des analyses sociétales ou que sais-je de ce qu’ils disent et écrivent. Ce n’est pas mon objectif du moment. D’ailleurs à travers ces différentes photos, je vous laisse en tirer vos propres analyses sociétales, je suis sûr que l’on serait surpris de celles que feraient les élèves car eux non plus n’en font pas.

Je suis très surpris de leur façon de gérer le temps, ils sont très respectueux de leur temps. Je le leur souligne d’ailleurs en disant qu’ils savent très bien être autonomes car l’autonomie commence par la gestion de leur temps.

En fonction du temps qu’il reste, ils vont décider des thèmes qu’ils vont vouloir traiter et du temps qu’ils vont allouer par thème.

A contrario de l’entreprise où j’aurai réalisé un auto-diagnostic, je vais leur proposer de structurer leurs décisions de la manière suivante :

  • Se mettre d’accord sur le résultat qu’ils attendent du thème ; en fait se positionner sur la ligne d’arrivée.
  • Ensuite, analyser les différents chemins qu’ils peuvent exploiter
  • Puis élaborer des options
  • Et enfin, transformer ces options ou certaines en plan d’action. J’explique qu’un plan d’action c’est savoir qui fait quoi, quand comment combien ou et pour quelle raison.

En entreprise, cette partie est facilitée par l’autodiagnostic, je n’ai pas à prendre cette posture du sachant. Toutefois, les élèves trouvent cette méthode sympa et certains font eux-mêmes des liens avec leur environnement sportif.

Ensuite en toute autonomie, ils vont décider du nombre de thèmes qu’ils veulent traiter d’ici la fin de la matinée, et du temps qu’ils vont allouer à chacun de thèmes. Par exemple une année, ils ont décidé de traiter 4 thèmes y d’y allouer 20 minutes par thème, une autre 2 thèmes, une autre 4 thèmes avec des temps différents. En entreprise, je ferai des analogies sur leur façon de faire, leur relation au temps, les liens avec leur façon de décider. Ici je peux en faire, par contre s’ils ont déjà mis en application des choses suite à mes dernières analogies, je vais les féliciter. Je suis toujours surpris de la vitesse à laquelle ils avancent, captent, comme des éponges. Comment en tant que plus anciens pouvons-nous conserver cette même légèreté, facilité ? Il y a des jugements entre eux, je les retrouve autrement et plus profond en entreprise, je ferai des analogies et lecture systémiques, pour transformer ces détails en ressources pour le système. En coaching systémique j’aime rappeler que dieu ou le démon se cachent dans les détails.

Voici donc les points qu’ils ont abordés et comment cela s’est transformé en plan d’action. Idem, je vous laisse analyser ce que vous souhaitez :


Dans l’accompagnement au fur et à mesure, ils prennent leurs propres décisions, dont voici la feuille de décision :

Cette photo étant difficile à lire, voici le contenu :
Confiance en soi : se sentir plus à l’aise, s’assumer tel que l’on est, ignorer les jugements, ne pas hésiter, assumer ses décisions, s’entraider entre nous, s’entraîner.
S’investir pour le bac : La régularité dans le travail avec 5 minutes à la fin du cours pour poser des questions, travailler 15 minutes en groupe par heure de cours, mettre du sien.
Résolution avec les proches : accepter les différences, être à l’écoute pour comprendre et créer des choses ensemble, accepter les reproches des proches
Une classe plus solidaire : je vais vers l’autre, ne pas juger une personne sans la connaître, oser prendre l’initiative de parler aux autres au plus tard vendredi prochain.


Bien sûr, la fiche reste à peaufiner, l’enjeu n’est pas de modifier leur qualité de réunion, ce n’est pas un comité de direction. Toutefois, vous pouvez constater que leurs décisions comprennent la notion de temps, de discipline et non plus de rigueur, il y a une demande auprès des enseignants pour avoir une liberté cadrée, et même ici de finir une action avant le vendredi suivant.

Contrairement à l’entreprise, je n’ai pas besoin d’accompagner sur cette relation temps / sujet. Ils le font d’eux mêmes car ça leur appartient.

En suivant vous trouverez ce qu’une année une équipe a pris comme décision trois semaines avant de passer le Bac ; vous comprendrez pourquoi ils ont d’aussi bons résultats :

Dans cette première photo, ils avaient du mal à se lancer, je leur ai dit qu’un gagneur est aussi quelqu’un qui sait ce qu’il faut faire pour perdre : leur créativité a été énorme.


Et ensuite ils ont défini ce qu’ils allaient faire en notant sur une feuille de décisions confidentielles (que je ne divulguerai pas) et des actions spécifiques à chacun (cf ci-après) :


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Comme ils abordent à chaque fois les conflits qu’ils ont entre eux ou avec leur environnement, je peux faire un apport de 5 minutes sur la Communication NonViolente sur les 4 phases : faits, émotions, besoins, demandes d’actions. Les enseignants m’ont expliqué qu’un jour en cours ils l’ont utilisé, ça a servi à arrêter un processus qui s’envenimait. C’est le seul apport que je peux faire et je me garderai d’en faire d’autres.

En conclusion, le co-coah intervient, offre des pistes d’évolutions à chacun (feedforwards). Je serai présent pour que ce soient des pistes avec une profondeur dans le permettra de. En disant par exemple : tu lui demandes d’intervenir avec un ton de voix plus calme, ça va te permettre quoi à Toi, à lui, à l’équipe et à lui dans sa vie ? Qu’est-ce qu’il peut faire d’après Toi de différent ?

Ils donneront des feedforwards aux enseignants. Ils sont toujours pertinents, les enseignants sont surpris car ils apprennent toujours quelque chose sur eux et leur relation avec les élèves. Les enseignants s’engagent à mettre en place ce qui concerne le groupe. C’est d’ailleurs comme cela que chaque année, ils font une demande aux autres enseignants de la part des élèves et que peu à peu d’autres enseignants entrent dans ce projet.

En ce qui me concerne, ils ont du mal à me donner des feedforwards, et puis quand le co-coach se lance, ils sont toujours très pertinents: la prochaine fois, challengez-nous plus ça nous permettra de plus s’engager.

Voilà la matinée est terminée, nous pouvons partir déjeuner au restaurant qui lui aussi joue le jeu en faisant un prix et menu spécial.

Je suis Fier de ces élèves, Fier de voir comment ils se prennent en charge, Fier de les voir avancer aussi vite et bien. BRAVO. Voici quelques photos :


III – En guise de conclusion 1

Ce projet est une réussite, au-delà des résultats cités au début du document, les enseignants m’expliquent qu’il y a beaucoup moins de conflits, plus de rapports adultes entre eux et les élèves, et que la plupart du temps les engagements que chacun a pris sont tenus. Bien sûr, tous ne le font pas avec le même niveau d’engagement, avec la même célérité mais à l’arrivée les résultats scolaires sont meilleurs et on peut supposer que leur avenir sera un peu mieux assuré.

Comme en entreprise, le coach systémique n’est qu’un révélateur, un sherpa, un catalyseur, un agitateur, un dynamiseur le reste est fait par les élèves et par cette équipe pédagogique autour de Frédérique Carrier et Valérie Robin qui s’engagent, s’investissent et aiment leur métier. Chapeau bas Mesdames les enseignantes. Je suis Fier de vous et vos élèves vous le renvoient bien. Bravo.

Comme vous pouvez le constater, je fais souvent des analogies avec l’entreprise car sur la forme je fais la même chose, et sur le fond les résultats sont aussi efficaces.


IV – En guise de conclusion 2

Cet article je l’avais écrit il y a plusieurs mois. J’allais le mettre en ligne quand je reçois un appel de Monsieur Jean-Christophe Roche et de Monsieur Thierry Tourriere Inspecteur de l’académie de Montpellier. Ils préparent une journée spéciale devant les 200 Professeurs de ventes de l’académie de Montpellier.

Ils me demandent si je peux intervenir pour parler de ce moment de transition entre l’ère industrielle et l’ère digitale, de parler des comportements nouveaux, de parler avec Frédérique Charrier de l’expérience qui se joue au Lycée de Béziers et des résultats obtenus.

Je suis donc intervenu ce jeudi 18 avril 2019. J’ai été surpris de voir un parterre d’enseignants qui veulent trouver les meilleures solutions pour leurs élèves, surpris de la qualité des questions, surpris de voir l’enseignement se rapprocher du monde de l’entreprise, surpris du peu de moyen qu’ils ont et de la volonté qu’ils ont. Surpris par ce monde de l’éducation si souvent décrié et pourtant si proche de la vérité.

BRAVO et MERCI de vouloir former au mieux nos enfants.


Si en tant qu’enseignants, Lycées vous êtes intéressés par cette démarche  contactez moi, nous monterons des actions avec Anse France 06 82 69 70 83.

Si en tant que Manager, Coach, Futur Coach, vous souhaitez apprendre à avoir cette posture d'écoute sans intention et permettre un monde meilleur, contactez-moi au 06 82 69 70 83.

Bien à vous.


 
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